Quel avenir pour les EHPAD ?

Aujourd’hui, Parella Valuation décrypte pour vous les EHPAD (Etablissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), anciennement appelés maisons de retraite. Dans l’univers de l’immobilier de santé, les EHPAD représentent une typologie singulière d’actifs. Mis sur le devant de la scène par un scandale médiatique début 2022, ces derniers sont encore mal connus par les professionnels de l’immobilier.

Actif de santé incontournable ces dernières années, l’EHPAD d’aujourd’hui peut-il perdurer demain ? 

L’évolution de la prise en charge
des personnes âgées en France

L’émergence des établissements médicalisés pour personnes âgées sur le territoire

Les Etablissements d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD) sont des établissements médicalisés, accueillant des personnes âgées dépendantes. Ces derniers prennent donc en charge des résidents en perte d’autonomie (physique ou cognitive).

Initiée dès le Moyen-Age à travers les hospices religieux, la première véritable structure à héberger des personnes âgées fut construite à Paris en 1783 sous le nom de « Maison Royale ». Les hospices laïcs se développent au XXème siècle : plus inclusifs et mixtes, ils représentent dès lors les maisons de retraite que nous connaissons aujourd’hui.

Les différents types d’hébergements médicalisés pour personnes âgées

Source : Statiss 2019, données au 31 Décembre 2019 en France métropolitaine 

Le cadre légal des EHPAD

Il faudra attendre la loi du 2 janvier 2002 sur l’action sociale et médico-sociale pour assister à une modification en profondeur du statut des maisons de retraite médicalisées. Celles-ci deviennent à la suite de cette nouvelle réglementation des Etablissements d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD).

Pour être admis dans un EHPAD, le futur résident doit remplir deux conditions :

  • Avoir au moins 60 ans.
  • Nécessiter des soins et de l’aide au quotidien pour effectuer les actes de la vie courante.

BON A SAVOIR
Il existe trois types d’hébergements médicalisés pouvant accueillir des personnes âgées : les EHPAD, les USLD et les résidences autonomie. Les Unités de Soins de Longue Durée (USLD) sont des structures médicalisées. Elles prennent en charge des personnes dont l’état astreint le personnel à une surveillance constante. Les résidences autonomie sont quant à elles des établissements médicalisés accueillant des personnes âgées autonomes. Elles se composent de logements individuels et d’espaces partagés.

Le nécessaire développement des EHPAD

En 2021, presque 27 % de la population française avait 60 ans ou plus, représentant ainsi 17,7 millions d’individus. D’après les projections de l’INSEE, cette part devrait être portée à 24,4 millions de français en 2050, soit 35 % de la population.

S’adaptant à la part croissante de séniors, le nombre de structures a donc considérablement augmenté ces dernières années. En 2021, la France disposait de 7 503 EHPAD pour une capacité supérieure à 600 000 places. Les projections pour 2050 estiment à 319 000 le nombre de places supplémentaires nécessaires à l’absorption de la demande.

Un actif “refuge” face aux fluctuations du marché ?

Des gestionnaires confrontés à un effet “ciseaux”

En 2020, cette typologie d’actifs a été doublement impactée  :

  • Tout d’abord, 224 500 résidents en EHPAD ont été touchés par la Covid-19 (37,5 %), dont 29 300 en sont décédés (4,9 %). Malgré l’efficacité de la campagne de vaccination, la crise sanitaire a eu d’importantes incidences sur le taux d’occupation. Atteignant 98 % en 2019, il perd 800 points de base et n’est plus que de 90 % l’année suivante.
  • De plus, les professionnels du secteur sont confrontés à une augmentation généralisée de tous leurs postes de charge. Frais de personnel, dépenses énergétiques, vivres alimentaires, fournitures médicales subissent une forte inflation depuis 2020. La hausse des coûts, corrélée à la baisse du taux de remplissage, ont largement participé à impacter les résultats des EHPAD. De plus, le faible taux de revalorisation des prestations d’hébergement (+0,46%) en 2021 a restreint les revenus de ces derniers. Par conséquent, la hausse du chiffre d’affaires de ces actifs immobiliers s’est limitée à +1,1 % en 2021.

BON A SAVOIR
Les revenus des EHPAD reposent sur trois sources principales de revenu :

  • Le tarif hébergement représentant à lui seul environ 50% des ressources des EHPAD privés commerciaux.
  • L’allocation budgétaire quant aux besoins en soins des résidents, soit environ 30 % des ressources des EHPAD privés commerciaux.
  • L’allocation budgétaire correspondant à la prise en charge de la dépendance des résidents, représentant environ 20 % des revenus des EHPAD privés commerciaux.

Le top 5 des exploitants d’EHPAD en France en 2021

Source : Xerfi d’après les opérateurs et les Greffes des Tribunaux de Commerce 

Malgré ce contexte, cette typologie d’actifs demeure attractive auprès des investisseurs.

L’essor des investissements en immobilier de santé 

Si 2019 ne fut pas une année dynamique en matière d’investissements, avec seulement 132 millions d’euros investis en EHPAD en raison du faible nombre de transactions (5), 2020 concentra 242 millions d’euros d’investissements, et ce, malgré la crise sanitaire. Ce regain d’activité se justifie par l’attractivité du marché de la santé, par rapport aux autres actifs immobiliers. En effet, le taux de remplissage élevé, corrélé à des loyers sécurisés ainsi qu’à des cashflows réguliers font des EHPAD un produit immobilier attrayant.

2021 marque une forte reprise depuis la crise sanitaire. La France prend la 4ème place dans le classement européen des investissements en immobilier de santé. 1,4 milliard d’euros ont été investis au cours de cette année. L’EHPAD demeure un actif incontournable, concentrant 43 % des volumes d’investissement soit 600 millions d’euros.

Enfin, sur les six premiers mois de 2022, 450 millions d’euros ont été engagés en actifs de santé dans l’Hexagone, confirmant la tendance observée ces dernières années.

Répartition des investissements en immobilier de santé à l’échelle européenne.

Les critères clés sécurisant un investissement en EHPAD : 

Les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes témoignent d’une certaine résilience face aux conjonctures économiques et sociales. Elles constituent dès lors un investissement attractif.

Il est primordial pour les investisseurs de considérer certains critères clés en amont de l’acquisition de ce produit immobilier :

  • Il est conseillé de sélectionner un opérateur reconnu, disposant d’une dimension internationale.
  • Privilégier une implantation dans une zone où le pouvoir d’achat des futurs résidents est relativement élevé.
  • Favoriser un emplacement en cœur de ville, proche de commerces de bouche et bénéficiant d’une bonne desserte.
  • Prioriser des structures disposant de prestations techniques qualitatives et d’une offre variée de services.

Les scénarios envisagés quant à l’avenir de l’EHPAD

Des résultats futurs à nuancer

Pour les principaux exploitants d’EHPAD, les chiffres d’affaires annuels tendent vers 4 milliards d’euros en 2022.

Les gestionnaires d’EHPAD privés ont d’ailleurs profité des revalorisations tarifaires de leurs prestations d’hébergement (environ 2% en janvier 2022) afin de doper leurs revenus, Xerfi anticipant une hausse du chiffre d’affaires de ces derniers à hauteur de 3% en 2022. Cette hausse devrait perdurer en 2023, à hauteur de 2 %.

Evolution du chiffre d’affaires des exploitants d’EHPAD (prévisions pour 2022 et 2023)

Cependant, les gestionnaires ne devraient pas retrouver leurs performances d’avant-crise, avec un taux d’EBE en 2022 inférieur à celui observé en 2019 (9 % vs 10,6 %).

S’agissant des investissements, le segment de la santé devrait voir ses volumes se consolider en 2022. Il faudra s’attendre à une probable stagnation des volumes en 2023, se justifiant principalement par l’attentisme des investisseurs.

BON A SAVOIR

Les principaux investisseurs en EHPAD en France se concentrent autour de foncières et de gestionnaires d’actifs. Parmi les leaders du secteur, nous retrouvons Icade Santé, Primonial, Cofinimmo, Euryale et BNP.

Le taux de rendement prime constaté sur ce segment de l’immobilier de santé avoisine 4 % au T4 2022. On devrait cependant observer une décompression relativement conséquente en 2023, comme pour la plupart des actifs en immobilier d’entreprise.

Des défis organisationnels et structurels

Environ 400 000 personnes sont actuellement employées dans l’un des 7 503 EHPAD en France. Etant déjà en proie à une pénurie de main-d’œuvre avant la crise sanitaire, la pandémie n’a fait que renforcer la tension qui pesait sur le personnel. Comptant normalement un aide-soignant pour une personne âgée, le ratio constaté est actuellement de 0,6. Ce manque de salariés a pour conséquence directe pour les gestionnaires :

  • Un impact sur la qualité des services
  • Une pression haussière sur les salaires
  • Des fermetures de lits

Plusieurs leaders ont fait preuve d’initiatives afin de palier à ce sujet de recrutement. A l’image de Korian, qui a lancé un dispositif de reconversion professionnelle début 2021 à destination des salariés des groupes Derichebourg et Monoprix, en parallèle de la création d’un centre de formation. De nouvelles dispositions devraient survenir dans un futur proche.

S’ajoute à cette pénurie la publication d’un livre-enquête en 2022, dénonçant des anomalies et des cas de maltraitance au sein de divers établissements appartenant à un groupe leader du marché.  L’affaire a d’ailleurs été portée en justice, ternissant l’image du secteur auprès du grand public. L’Etat s’est par la suite engagé à durcir les contrôles : l’ensemble des EHPAD devront être inspectés d’ici fin 2024.  

Une proposition a même été initiée par la Commission des Affaires Sociales de l’Assemblée Nationale, invitant à légiférer en n’agréant plus les EHPAD qui n’avaient pas « signé de convention avec les acteurs du sanitaire, du social et du médico-social de leurs territoires et qui n’offrent pas un bouquet de services largement accessibles, tant aux personnes âgées vivant en établissement qu’à celles demeurant à domicile ».  

Le renforcement des inspections en EHPAD devrait contraindre ces établissements à une transformation en profondeur. Prestations, qualité de vie, accompagnement seront des critères clés pour les futurs résidents de ces structures d’hébergement.

L’EHPAD de demain

EHPAD

A la suite de la crise sanitaire et du scandale médiatique, le modèle du « tout EHPAD » arrive à son terme. Parella s’est interrogée sur ce que serait l’EHPAD de demain, et vous livre quelques pistes de réflexions.

  • Les Home-EPHAD 

Avec une volonté toujours plus prononcée des Français à vieillir chez eux, l’EHPAD de demain serait en partie à domicile. Permettant une réduction des coûts d’hébergement, l’EHPAD “hors les murs” garantira une offre singulière au patient. La prise en charge à domicile accorde aux particuliers la possibilité de demander l’Allocation Personnalisée d’Autonomie, ainsi que de bénéficier d’un crédit d’impôt au titre des services à la personne octroyés. Korian et DomusVi ont d’ailleurs lancé des plateformes et des agences d’aide à domicile, afin d’accompagner les séniors en perte d’autonomie.

  • Les Smart-EPHAD 

La digitalisation devrait elle aussi intégrer pleinement l’environnement de ces établissements pour personnes âgées. Permettant de connecter les familles avec les résidents, le numérique permet de maintenir le lien entre ces derniers. Les EHPAD communiquent désormais sur leur quotidien, à travers les réseaux sociaux et les applications. Ces nouveaux canaux de transmission sont voués à se généraliser, étant par ailleurs un gage de confiance du bien être des résidents pour les familles.

  • Les EPHAD Hybrides

Les modes alternatifs pour séniors sont également plébiscités. Ces établissements « hybrides » devraient connaitre un développement accéléré dans l’Hexagone. Associant résidences séniors, résidences inclusives ou bien même logements sociaux, les établissements accueillant des personnes âgées de demain seront orientés vers la mixité sociale et intergénérationnelle.

  • Les EPHAD Co-construits 

Enfin, les nouveaux établissements devraient bénéficier d’une conception où la satisfaction des utilisateurs est au centre de la réflexion. Comme pour certains actifs à usage de bureaux, les EHPAD de demain seront co-construits : nous pouvons aisément imaginer la collaboration des résidents, mais aussi des aides-soignants à la réalisation de la conception architecturale des bâtiments.

Pour conclure

Les EHPAD sont des actifs immobiliers relativement sécurisés, faisant preuve de résilience face aux crises. Néanmoins, la pandémie a considérablement impacté les modes d’exploitation de ces établissements. Déjà enclenchée depuis plusieurs années, le scandale a encore accéléré la transition du tout EHPAD vers une offre plus riche, avec des hébergements alternatifs aux maisons de retraite traditionnelles. Le rachat du spécialiste de la colocation seniors Âge & Vie par Korian en 2018 a signé le début de la diversification des géants qui s’intéressent de plus en plus aux solutions alternatives comme les résidences seniors, le coliving pour personnes âgées autonomes ou les services de prise en charge à domicile.

L’EHPAD d’aujourd’hui, afin de perdurer dans les années à venir, doit changer de modèle. Il devra être tourné vers le bien-être des séniors, en augmentant les moyens octroyés aux structures les accueillant (construction, personnel, modes alternatifs).

Comme rappelé au sein la mission flash de la Commission des Affaires Sociales de l’Assemblée Nationale,

L’EHPAD de demain est avant tout un lieu de vie où l’on soigne et non un lieu de soins où l’on vit.

En 2022, Parella Valuation a accompagné divers leaders du marché en déterminant les valeurs locatives et vénales d’EHPAD, sur l’ensemble du territoire.

Quelles sont les caractéristiques inhérentes à la valorisation d’un EHPAD en 2023 ? Un expert immobilier Parella Valuation pourra vous conseiller dans la valorisation de ces actifs.

Bénéficiant d’un savoir-faire en immobilier de santé, Parella Valuation évalue par ailleurs résidences services séniors, cliniques (MCO/SSR), ou pôles de santé. Nos expertises peuvent également porter sur des actifs plus singuliers, telles que des résidences inclusives mêlant différents types d’aménagements (résidences offrant des logements pour personnes âgées autonomes, des logements pour personnes en situation de handicap, des logements sociaux, etc.).

Suivez-nous sur Linkedin pour bénéficier des prochains articles, entre décryptage et regard marchés de nos experts.

Sources