Frédéricke Sauvageot – faire de l’espace de travail une ressource

Frédéricke Sauvageot est Directrice de la QVT du Domaine Immobilier et des Espaces de Travail chez Orange.

Organisation du travail : une transformation toujours en cours 

Le travail poursuit sa mutation, et l’organisation du travail est toujours en plein bouleversement. Les entreprises cherchent toujours le juste équilibre de la flexibilité. La plupart se questionnent encore sur l’expérience collaborateur phygitale qu’elles souhaitent proposer dans un contexte économique tendu, de concurrence accrue et de croissance des inégalités. Nous observons toujours beaucoup d’interrogations sur les fondations solides à poser, pour proposer une organisation du travail hybride efficace afin de construire une société de relations solides permettant à chacun de trouver sa place, son équilibre.

Une organisation de travail flexible tenant compte des perceptions et besoins des salariés qu’ils soient personnels, psychologiques, psychiques ou d’usages métier, tout en favorisant la collaboration, la communication, la socialisation et la cohésion.

 
” Les modes de travail ont été profondément redéfinis, les espaces de travail se transforment, les surfaces s’optimisent, pour répondre aux enjeux économiques, environnementaux. Dans ce contexte, la place et le rôle des managers de proximité, largement bousculés à l’heure de l’hybridation, restent déterminants pour donner plus de valeur à la présence sur le lieu de travail, passer du « lieu » au « lien », capter les signaux faibles de ses équipes, créer et faire esprit d’équipe, faire vibrer sa tribu.

Tout un programme pour faire du bureau, un lieu multifonctionnel qui permette aux salariés d’avoir envie d’y travailler, mais aussi d’y vivre, de se socialiser, et de vivre des expériences au travers des rituels.

Il s’avère évident que faire revenir les salariés sur site pour garantir les coopérations ne suffira pas. Tout comme il ne suffit pas de concevoir des espaces et d’optimiser la ressource qu’est l’espace pour répondre aux enjeux économiques, environnementaux tout en répondant aux défis sociétaux et sociaux, aux besoins d’équité et de sens.

Faire de l’espace de travail une ressource 

La conception de l’espace doit permettre d’en faire une ressource facilitante et fluide dans ses usages, pour chacun. Il faut pouvoir y vivre, y créer des liens, des relations, y trouver ses repères, pouvoir s’y ancrer, mais également lire l’espace, le percevoir, pour se l’approprier en comprenant et en identifiant les différentes possibilités qu’il propose.

C’est tout l’enjeu de la notion essentielle qu’est la territorialité. Pour avoir envie de faire ensemble, il faut avant tout pouvoir marquer son territoire, cela passe par l’espace qui, nous le savons, va influer sur le comportement qui y sera adopté. En effet, c’est bien l’espace qui va conditionner le comportement du salarié en tant qu’individu dans son collectif de travail.

 
” Ainsi la relation à la territorialité est l’un des éléments incontournables à prendre en compte dans l’entreprise et l’organisation qu’elle met en place. Nous pouvons citer les travaux de Donis et Taskin (2017) qui ont démontré que la territorialité avait un effet sur le sentiment d’appartenance qu’un individu peut ressentir pour l’organisation pour laquelle il travaille.

Ce sentiment d’appartenance qu’elle engendre est l’élément phare de la Marque Employeur et de la culture de l’organisation qu’elle décline. Ne pas prendre en compte la territorialité dans le prisme de la conception des aménagements, c’est prendre le risque de concevoir et de vouloir faire revenir les salariés dans un « non-lieu » qui selon la définition de Marc Augé, est un espace interchangeable où l’être humain reste anonyme.

C’est prendre le risque que le salarié ne s’approprie pas les espaces de travail mis à sa disposition. C’est en quelque sorte influer à l’inviter à être de passage, à entretenir une relation de consommation avec l’espace de travail, tel un catalogue.

C’est prendre le risque d’une déshumanisation de l’espace que les salariés auront hâte de déserter, alors même que l’objectif de l’entreprise est bien de faire société, dans un mode hybride qui s’ancre de plus en plus, de faire mieux ensemble, d’encourager les coopérations et l’engagement de tous, pour une performance collective.

Les rites au service de l’expérience collaborateur

Également concept de stratégie d’occupation et de posture managériale, l’espace est une ressource pour le manager, pour co-construire son projet d’équipe, organiser les rituels de son équipe constituant sa tribu ce qui refait bien le lien avec l’importance de la ritualisation des espaces qui touche au sensible.

Les rituels tacites qui s’instaurent lorsque certains salariés choisissent, dans leur quartier d’équipe, la position privilégiée selon leur perception, qu’ils s’attribuent pour marquer leur identité, même si les « règles du bien vivre ensemble » précisent que toutes les positions sont mutualisées.

Dans les faits, personne n’ose leur revendiquer cette appropriation qui marque bien la ritualisation qui s’inscrit dans le rituel de la tribu. Tout comme l’ancrage se retrouve dans la personnalisation des quartiers d’équipes, des espaces qui à l’ère du mode hybride se veulent à l’échelle de l’équipe, du quartier d’équipe et de moins à moins à l’échelle individuelle.

Nous voyons bien que tout repose sur l’histoire qui fait sens, pour arriver à créer ses propres rituels, et ceux de son équipe et de fait, c’est bien la ritualisation qui permettra de créer un collectif qui pourra créer ensemble, parce qu’il se reconnaîtra dans une histoire commune.

 
De même, ce sont bien les rites qui rythment le parcours du salarié de son intégration dans une équipe, jusqu’à son départ et tout au long de la vie dans l’entreprise. Ce sont les rites qui évoluent pour s’adapter aux différentes transformations qu’elles soient organisationnelles, managériales ou spatiales afin d’être en cohérence avec la culture, les croyances, les besoins, les attentes des salariés. Ce sont les rites qui permettent de créer un collectif et de partager des valeurs communes, des règles de vie, pour créer du lien social, créer ce sentiment d’appartenance qui permet de s’engager plus durablement. Les rites se créent en physique et à distance dans l’évolution de nos modes de travail.

” Pour s’occuper du bien-être, il faut s’occuper du bien faire ” Yves Clot

 
“Les espaces, les outils, un management basé sur la confiance, la communication, la culture de l’écrit sont autant de ressources et d’outils qui permettent et facilitent les interactions et mèneront vers une société des relations, dans le monde hybride demain, bien au-delà du simple fait de faire revenir les salariés physiquement au bureau.” Gabrielle Halpern

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